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. 166 « Alors, comment espérez-vous que Valentine échappera ? »Noirtier tint avec obstination ses yeux fixés du même côté,d Avrigny suivit la direction de ses yeux et vit qu ils étaientattachés sur une bouteille contenant la potion qu on lui apportaittous les matins.« Ah ! ah ! dit d Avrigny, frappé d une idée subite, auriez-vous eu l idée& »Noirtier ne le laissa point achever.« Oui, fit-il. De la prémunir contre le poison& Oui. En l habituant peu à peu& Oui, oui, oui, fit Noirtier, enchanté d être compris. En effet, vous m avez entendu dire qu il entrait de labrucine dans les potions que je vous donne ? Oui. Et en l accoutumant à ce poison, vous avez vouluneutraliser les effets d un poison ? »Même joie triomphante de Noirtier. 167 « Et vous y êtes parvenu en effet ! s écria d Avrigny.Sanscette précaution, Valentine était tuée aujourd hui, tuée sanssecours possible, tuée sans miséricorde, la secousse a été violente,mais elle n a été qu ébranlée, et cette fois du moins Valentine nemourra pas.»Une joie surhumaine épanouissait les yeux du vieillard, levésau ciel avec une expression de reconnaissance infinie.En ce moment Villefort rentra.« Tenez, docteur, dit-il, voici ce que vous avez demandé. Cette potion a été préparée devant vous ? Oui, répondit le procureur du roi. Elle n est pas sortie de vos mains ? Non.»D Avrigny prit la bouteille, versa quelques gouttes dubreuvage qu elle contenait dans le creux de sa main et les avala.« Bien, dit-il, montons chez Valentine, j y donnerai mesinstructions à tout le monde, et vous veillerez vous-même,monsieur de Villefort, à ce que personne ne s en écarte.»Au moment où d Avrigny rentrait dans la chambre deValentine, accompagnée de Villefort, un prêtre italien, à ladémarche sévère, aux paroles calmes et décidées, louait pour sonusage la maison attenante à l hôtel habité par M.de Villefort. 168 On ne put savoir en vertu de quelle transaction les troislocataires de cette maison déménagèrent deux heures après : maisle bruit qui courut généralement dans le quartier fut que lamaison n était pas solidement assise sur ses fondations etmenaçait ruine ce qui n empêchait point le nouveau locataire des y établir avec son modeste mobilier le jour même, vers les cinqheures.Ce bail fut fait pour trois, six ou neuf ans par le nouveaulocataire, qui, selon l habitude établie par les propriétaires, payasix mois d avance ; ce nouveau locataire, qui, ainsi que nousl avons dit, était italien, s appelait-il signor Giacomo Busoni.Des ouvriers furent immédiatement appelés, et la nuit mêmeles rares passants attardés au haut du faubourg voyaient avecsurprise les charpentiers et les maçons occupés à reprendre ensous-Suvre la maison chancelante. 169 LXCV.Le père et la fille.Nous avons vu, dans le chapitre précédent, Mme Danglarsvenir annoncer officiellement à Mme de Villefort le prochainmariage de Mlle Eugénie Danglars avec M.Andrea Cavalcanti.Cette annonce officielle, qui indiquait ou semblait indiquerune résolution prise par tous les intéressés à cette grande affaire,avait cependant été précédée d une scène dont nous devonscompte à nos lecteurs.Nous les prions donc de faire un pas en arrière et de setransporter, le matin même de cette journée aux grandescatastrophes, dans ce beau salon si bien doré que nous leur avonsfait connaître, et qui faisait l orgueil de son propriétaire, M.lebaron Danglars.Dans ce salon, en effet, vers les dix heures du matin, sepromenait depuis quelques minutes, tout pensif et visiblementinquiet, le baron lui-même, regardant à chaque porte et s arrêtantà chaque bruit.Lorsque sa somme de patience fut épuisée, il appela le valetde chambre. 170 « Étienne, lui dit-il, voyez donc pourquoi Mlle Eugénie m aprié de l attendre au salon, et informez-vous pourquoi elle m y faitattendre si longtemps.»Cette bouffée de mauvaise humeur exhalée, le baron repritun peu de calme.En effet, Mlle Danglars, après son réveil, avait fait demanderune audience à son père, et avait désigné le salon doré comme lelieu de cette audience.La singularité de cette démarche, soncaractère officiel surtout, n avaient pas médiocrement surpris lebanquier, qui avait immédiatement obtempéré au désir de sa filleen se rendant le premier au salon.Étienne revint bientôt de son ambassade.« La femme de chambre de mademoiselle, dit-il, m aannoncé que mademoiselle achevait sa toilette et ne tarderait pasà venir.»Danglars fit un signe de tête indiquant qu il était satisfait.Danglars, vis-à-vis du monde et même vis-à-vis de ses gens,affectait le bonhomme et le père faible : c était une face du rôlequ il s était imposé dans la comédie populaire qu il jouait ; c étaitune physionomie qu il avait adoptée et qui lui semblait convenircomme il convenait aux profils droits des masques des pères duthéâtre antique d avoir la lèvre retroussée et riante, tandis que lecôté gauche avait la lèvre abaissée et pleurnicheuse.Hâtons-nous de dire que, dans l intimité, la lèvre retrousséeet riante descendait au niveau de la lèvre abaissée etpleurnicheuse ; de sorte que, pour la plupart du temps, lebonhomme disparaissait pour faire place au mari brutal et au pèreabsolu
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