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. Laissez-moi partir avec vous !& dit Lionel. Viens, mon enfant ! » répondit l'abbé Joann.Chapitre 7Le Fort FrontenacJean était comme fou, au moment où il avait fui Maison-Close.L'incognito de sa vie brutalement déchiré, les funestesparoles de Rip surprises par Clary, Mlle de Vaudreuil sachantque c'était chez la femme, chez le fils de Simon Morgaz que son- 312 -père et elle avaient trouvé refuge, M.de Vaudreuil l'apprenantbientôt s'il ne l'avait entendu du fond de sa chambre, tout celase confondait dans une pensée de désespoir.Rester en cettemaison, il ne l'aurait pu même un instant.Sans s'inquiéter dece que deviendraient M.et Mlle de Vaudreuil, sans se demandersi le nom infamant de sa mère les protégerait contre toutepoursuite ultérieure, sans se dire que Bridget ne voudrait pasdemeurer dans cette bourgade où son origine allait être connue,d'où on la chasserait sans doute, il s'était élancé à travers lesépaisses forêts, il avait couru toute la nuit, ne se trouvant jamaisassez loin de ceux pour lesquels il ne pouvait plus être qu'unobjet de mépris et d'horreur.Et, pourtant, son Suvre n'était pas accomplie ! Son devoir,c'était de combattre, puisqu'il vivait encore ! C'était de se fairetuer, avant que son véritable nom eût été révélé ! Lui mort, mortpour son pays, peut-être aurait-il droit, sinon à l'estime, dumoins à la pitié des hommes !Cependant le calme reprit le dessus en ce cSur siprofondément troublé.Avec le sang-froid lui revint cette énergieque nulle défaillance ne devait plus abattre.Et, fuyant, il sedirigeait à grands pas vers la frontière, afin de rejoindre lespatriotes et recommencer la campagne insurrectionnelle.À six heures du matin, Jean se trouvait à quatre lieues deSaint-Charles, près de la rive droite du Saint-Laurent, sur leslimites du comté de Montréal.Ce territoire, parcouru par desdétachements de cavalerie, infesté d'agents de la police, ilimportait qu'il le quittât au plus tôt.Mais atteindre directementles États-Unis lui parut impraticable.Il aurait fallu prendreobliquement par le comté de Laprairie, non moins surveillé quecelui de Montréal.Le mieux était de remonter la rive du Saint-Laurent, de manière à gagner le lac Ontario, puis, à travers lesterritoires de l'est, de descendre jusqu'aux premiers villagesaméricains.- 313 -Jean résolut de mettre ce projet à exécution.Toutefois, ildut procéder avec prudence.Les difficultés étaient grandes.Passer quand même, fût-ce au prix de retards plus ou moinslongs, tel fut son programme, et il ne devait pas regarder à lemodifier suivant les circonstances.En effet, dans ces comtésriverains du fleuve, les volontaires étaient sur pied, la policeopérait d'incessantes perquisitions, recherchant les principauxchefs des insurgés, et, avec eux Jean-Sans-Nom, qui put voir,affichée sur les murs, la somme dont le gouvernement offrait depayer sa tête.Il arriva donc que le fugitif dut s'astreindre à ne voyager quede nuit.Pendant le jour, il se cachait au fond des masuresabandonnées, sous des fourrés presque impénétrables, ayantmille peines à se procurer quelque nourriture.Infailliblement, Jean fût mort de faim, sans la pitié decharitables habitants, qui voulaient bien ne point lui demanderni qui il était, ni d'où il venait, au risque de se compromettre.Delà, des retards inévitables.Au delà du comté de Laprairie,lorsqu'il traverserait la province de l'Ontario, Jean regagneraitle temps perdu.Pendant les 4, 5, 6, 7 et 8 décembre, c'est à peine si Jeanavait pu faire vingt lieues.En ces cinq jours, il serait plus justede dire ces cinq nuits, il ne s'était guère écarté de la rive duSaint-Laurent, et se trouvait alors dans la partie centrale ducomté de Beauharnais.Le plus difficile était fait, en somme, carles paroisses canadiennes de l'ouest et du sud devaient êtremoins surveillées à cette distance de Montréal.Pourtant, Jean ne tarda pas à reconnaître que les dangerss'étaient accrus en ce qui le concernait.Une brigade d'agentsétait tombée sur ses traces à la limite du comté de Beauharnais.À diverses reprises, son sang-froid lui permit de les dépister.Mais, dans la nuit du 8 au 9 décembre, il se vit cerné par unedouzaine d'hommes qui avaient ordre de le prendre mort ou vif.- 314 -Après s'être défendu avec une énergie terrible, après avoirgrièvement blessé plusieurs des agents, il fut pris.Cette fois, ce n'était pas Rip, c'était le chef de police Comeauqui s'était emparé de Jean-Sans-Nom.Cette fructueuse etretentissante affaire échappait au directeur de l'office Rip andCo.Six milles piastres qui manqueraient à la colonne desrecettes de sa maison de commerce !La nouvelle de l'arrestation de Jean-Sans-Nom s'étaitaussitôt répandue à travers toute la province.Les autoritésanglo-canadiennes avaient un intérêt trop réel à la divulguer.C'est ainsi qu'elle arriva, dès le lendemain, jusqu'aux paroissesdu comté de Laprairie, c'est ainsi qu'elle fut rapportée, dans lajournée du 8 décembre, au village de Walhatta.Sur le littoral nord de l'Ontario, à quelques lieues deKingston, s'élève le fort Frontenac.Il domine la rive gauche duSaint-Laurent par lequel s'écoulent les eaux du lac, et dont lecours sépare en cet endroit le Canada des États-Unis.Ce fortétait commandé à cette époque par le major Sinclair, ayant sousses ordres quatre officiers et une centaine d'hommes du 20èmerégiment.Par sa position, il complétait le système de défensedes forts Oswégo, Ontario, Lévis, qui avaient été créés pourassurer la protection de ces lointains territoires, exposés jadisaux déprédations des Indiens.C'est au fort Frontenac que Jean-Sans-Nom avait étéconduit.Le gouverneur général, informé de l'importantecapture opérée par l'escouade de Comeau, n'avait pas voulu quele jeune patriote fût amené à Montréal, ni en aucune autre citéimportante, où sa présence eût peut-être provoqué unsoulèvement populaire.De là, cet ordre, envoyé de Québec, dediriger le prisonnier sur le fort Frontenac, de l'y enfermer, de lefaire passer en jugement autant dire de le condamner à mort.- 315 -Avec des procédés aussi sommaires, Jean aurait dû êtreexécuté dans les vingt-quatre heures.Néanmoins, sacomparution devant le conseil de guerre, sous la présidence dumajor Sinclair, éprouva quelques retards.Voici pourquoi :Que le prisonnier fût le légendaire Jean-Sans-Nom, l'ardentagitateur qui avait été l'âme des insurrections de 1832, 1835 et1837, nul doute à cet égard.Mais quel homme se cachait sous cepseudonyme, sous ce nom de guerre, c'est ce que legouvernement eût voulu savoir.Cela lui aurait permis deremonter dans le passé, d'obtenir des révélations, peut-être desurprendre certains agissements secrets, certaines complicitésignorées se rattachant à la cause de l'indépendance.Il importait dès lors d'établir, sinon l'identité, du moinsl'origine de ce personnage, dont le nom véritable n'était pasencore connu et qu'il devait avoir un intérêt supérieur àdissimuler.Le conseil de guerre attendit donc avant de procéderau jugement, et Jean fut très circonvenu à ce sujet.Il ne se livrapas, il refusa même de répondre aux questions qui lui furentposées sur sa famille.Il fallut y renoncer, et, à la date du 10décembre, le proscrit fut traduit devant ses juges.Le procès ne pouvait donner matière à discussion.Jeanavoua la part qu'il avait prise aux premières comme auxdernières révoltes.Il revendiqua contre l'Angleterre les droitsdu Canada, hautement, fièrement.Il se dressa en face desoppresseurs
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